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Delphine SOQUETTE
Naturopathe - Coach en psychologie positive - spécialisée en gestion de la Ménopause
Quand les émotions s'invitent sans prévenir
Un jour, tout va bien. Et le lendemain, sans vraiment savoir pourquoi, l’envie de pleurer, la colère ou l’anxiété surgissent sans prévenir. Pendant la périménopause, de nombreuses femmes constatent une instabilité émotionnelle nouvelle, déroutante, parfois envahissante. Ce tourbillon intérieur peut donner l’impression de perdre pied, de ne plus se reconnaître ou même de "devenir folle". Rassure-toi : tu n’es pas seule et tu n’as rien de cassé.
La périménopause est une phase de transition naturelle mais encore trop peu connue dans ses effets profonds sur le corps, l’esprit et le cœur. Derrière les sautes d’humeur, les hypersensibilités ou la fatigue émotionnelle, il y a des causes multiples et souvent entremêlées : changements hormonaux, troubles du sommeil, surcharge mentale, contexte de vie personnel, etc.
Dans cet article, je t’invite à plonger en douceur dans les principales causes de cette instabilité émotionnelle, pour mieux comprendre ce que tu traverses et mettre des mots sur ce qui se passe en toi.

Les fluctuations hormonales
La périménopause est marquée par la diminution de la production des deux hormones clés du cycle menstruel, les œstrogènes et la progestérone.
Cependant, cette baisse ne se fait pas de façon linéaire ! Ce serait trop facile !
Les œstrogènes ont un effet régulateur sur l'humeur, principalement en influençant les neurotransmetteurs dans le cerveau, tels que la sérotonine et la dopamine, qui sont responsables du bien-être et de l'humeur.
Lors des périodes de haute œstrogénie (comme pendant la phase folliculaire du cycle menstruel ou pendant la grossesse), nous sommes souvent de meilleure humeur, nous ressentons une sensation de bien-être et d'énergie. L'augmentation des œstrogènes peut aussi avoir un effet anti-anxiété, en réduisant les symptômes de stress.
Un taux d'œstrogène bas et/ou une chute des œstrogènes peut entraîner une sensibilité émotionnelle accrue, avec de l'irritabilité, de la tristesse, de l'anxiété, voire de la dépression.
En période de périménopause, un jour, tu peux avoir un pic d’œstrogènes, le lendemain une chute brutale. Ces montagnes russes créent une réactivité émotionnelle exacerbée, un peu comme un syndrome prémenstruel puissance 10.
La progestérone, quant à elle, est une hormone calmante et apaisante, un peu comme un petit valium naturel. Par exemple, pendant la deuxième phase du cycle menstruel, après l'ovulation, les niveaux de progestérone augmentent. Cela peut avoir un effet relaxant, aidant à se sentir plus calme et plus sereine. Cependant, cela peut conduire à des sensations de fatigue.
Par ailleurs, lorsque le taux de progestérone devient proportionnellement élevé par rapport au taux d’œstrogènes qui chute subitement pendant la périménopause, nous pouvons ressentir des symptômes de dépression légère, des sautes d'humeur, de la tristesse.
Et quand son taux diminue, nous risquons de ressentir une certaine vulnérabilité émotionnelle accompagnée d'anxiété, de frustration, d’irritabilité voire d'insomnies.
Les problèmes de sommeil
La périménopause s'accompagne souvent de réveils nocturnes, sueurs, insomnies.

Les changements importants dans la production des hormones sexuelles, toujours elles, influencent plusieurs aspects du sommeil.
Les œstrogènes jouent un rôle clé dans la régulation du cycle du sommeil. Elles aident à maintenir une température corporelle stable et contribuent à l'équilibre des neurotransmetteurs liés au sommeil, comme la sérotonine et la mélatonine. Lorsque les niveaux d'œstrogène diminuent, cela peut perturber la capacité à s'endormir et à rester endormie, entraînant des réveils nocturnes réguliers.
La progestérone, on en a déjà parlé, a un effet calmant et soporifique. Lorsqu'elle chute pendant la périménopause, nous pouvons rencontrer des difficultés d'endormissement et une mauvaise qualité de sommeil.
Et n'oublions pas les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, d'autres symptômes majeurs de la ménopause, qui provoquent des réveils fréquents et affectent le sommeil. L’inconfort physique dû à une chaleur excessive peut interrompre le sommeil profond, ce qui empêche de récupérer suffisamment.
Or, le sommeil joue un rôle crucial dans la régulation des émotions. Pendant le sommeil, le cerveau traite et trie les informations émotionnelles et aide à gérer le stress.
Lorsqu'on ne dort pas suffisamment ou que la qualité du sommeil est altérée, les fonctions cognitives et émotionnelles sont touchées. Cela peut entraîner une plus grande réactivité émotionnelle, une diminution de la capacité à gérer le stress et une sensation accrue de vulnérabilité émotionnelle.
Une mauvaise qualité de sommeil dérègle également les niveaux de cortisol (l'hormone du stress), ce qui peut aggraver les sentiments de stress et d'anxiété.
De plus, le sommeil est essentiel à la régulation des neurotransmetteurs dans le cerveau, notamment la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline, qui sont impliqués dans le contrôle de l'humeur et essentiels à l’équilibre émotionnel. Un mauvais sommeil perturbe la production de ces neurotransmetteurs, ce qui peut rendre les émotions plus instables, augmenter l'irritabilité et la sensibilité aux facteurs de stress.
Ce cercle vicieux peut rendre la gestion des émotions plus difficile pendant la ménopause, une période déjà chargée d’oscillations hormonales.
Charge mentale et contexte de vie

La ménopause n’arrive pas "dans le vide" : elle survient à un moment de vie souvent très chargé et complexe pour beaucoup de femmes, un moment de transition identitaire et sociale où elles cumulent souvent responsabilités, pressions, deuils symboliques ou réels, quête de sens et fatigue accumulée. Autrement dit, ce ne sont pas juste les hormones qui jouent sur l’émotionnel — le contexte de vie est tout aussi déterminant, voire parfois davantage.
À l’approche ou pendant la ménopause (généralement entre 45 et 55 ans), de nombreuses femmes se trouvent dans une période de changements personnels parfois profonds :
- des enfants jeunes adultes encore à la maison ou en départ (syndrome du nid vide),
- des parents vieillissants à accompagner (voire à soigner),
- une remise en question du et dans le couple (perte de libido, communication en berne),
- une prise de conscience du vieillissement (perception d’un corps qui change, sentiment de perte de féminité et même d’identité),
- parfois une prise de conscience existentielle.
Elles doivent aussi jongler avec des changements dans la sphère professionnelle :
- de nouvelles responsabilités au travail,
- une précarité ou une insécurité professionnelle (perte de travail, discriminations liées à l’âge, plafond de verre),
- un désalignement profond avec leur carrière actuelle, amenant une envie/besoin de reconversion,
- une fatigue liée à des années de surmenage.
Cette charge mentale cumulée pèsent sur le moral et fatigue le système nerveux et rend les émotions plus difficiles à réguler.
De plus, tout cela touche directement l’estime de soi et le sentiment de sécurité affective, ce qui augmente la vulnérabilité émotionnelle. Cela peut générer de l’anxiété, de la tristesse, un besoin de renouveau ou, au contraire, une forme d’abattement temporaire.
Toutes ces tensions viennent s'ajouter au cocktail hormonal explosif et en aggraver les symptômes (comme les troubles du sommeil ou les bouffées de chaleur) déjà présents.
Le rôle de la société
Les déséquilibres émotionnels, souvent invisibles de l’extérieur, sont aussi le reflet d’un contexte social et symbolique profondément bouleversant. Ils sont intimement liés à ce que la société projette sur cette période de la vie d’une femme — et à ce qu’elle ne veut plus voir.
Parce qu’au-delà des symptômes, il y a aussi une forme d’effacement, de perte de place, parfois même de légitimité. Et cela aussi, ça ébranle.

D'une part, beaucoup de femmes ménopausées n’ont pas ou plus de place pour elles ou ne savent pas comment la retrouver.
Cette perte de place de la femme ménopausée dans la société occidentale est un phénomène complexe qui s'explique par plusieurs facteurs sociaux, culturels et historiques. C'est une question de représentation, de perceptions et d'injonctions sociales qui influencent la manière dont les femmes sont vues et comment elles se voient elles-mêmes, à ce moment-clé de leur vie.
A la différence d'autres sociétés où leur expérience et leur sagesse sont valorisées, les femmes ménopausées occidentales se retrouvent dans un isolement social accru et très souvent rejetées dans l'ombre.
Parmi les principaux éléments qui contribuent à cette marginalisation de la femme ménopausée, on retrouve l'invisibilité culturelle et médiatique. Dans beaucoup de sociétés, la jeunesse est valorisée et particulièrement la jeunesse féminine. La culture dominante glorifie une image de la femme jeune, belle, dynamique, active, souvent sans rides, sans imperfections. Les médias, la publicité, le cinéma et la mode renforcent cette image.
Les femmes ménopausées, dont les corps changent, sont peu représentées dans ces espaces. Quand elles le sont, c'est souvent dans une optique négative, le vieillissement féminin y est dépeint de manière défavorable, quelque chose à cacher, une déchéance.
Les stéréotypes négatifs autour de la ménopause constituent un autre élément de la marginalisation des femmes ménopausées dans notre société. La ménopause est souvent perçue comme une période de fin, d’“épuisement”, de perte, comme une étape dégradante plutôt que comme une phase naturelle et potentiellement épanouissante.
Cette perception est renforcée par l'idée selon laquelle les femmes qui passent cette étape sont souvent considérées comme moins désirables ou moins pertinentes, socialement ou professionnellement. Moins désirables car dans notre société où l’apparence physique des femmes est un critère de leur valeur et une source de pression énorme, le corps qui vieillit devient un symbole de perte de pouvoir ou de pertinence sociale.
Les changements physiques associés à la ménopause, tels que la prise de poids, la perte de tonicité de la peau ou les cheveux grisonnants sont souvent perçus comme des signes de déclin dans une société qui valorise la jeunesse et la beauté.
La médicalisation de la ménopause et la commercialisation de solutions pour "cacher" ces symptômes (crèmes, traitements hormonaux, chirurgie esthétique) amplifient l'idée que les femmes doivent cacher leur vieillissement pour rester visibles et désirables.
En outre, les rôles traditionnels que la société assigne aux femmes depuis des siècles les représentent historiquement avant tout comme des mères et des épouses, chargées de la reproduction et de la gestion du foyer. Ces rôles sont souvent considérés comme leur principale fonction sociale et personnelle.
Quand une femme atteint la ménopause et que sa capacité à avoir des enfants disparaît, il y a parfois une perception dans la société qu'elle perd une partie de sa valeur sociale et en devient moins pertinente ou importante dans le contexte social traditionnel.
Même si les mentalités évoluent, cette perception reste souvent ancrée dans les structures sociales et culturelles, notamment à travers les médias, la mode et même les attentes sociales. Certaines femmes peuvent ressentir, à juste titre, un sentiment de dévalorisation car la société tend à oublier ou négliger leur potentiel au-delà de ces rôles traditionnels.
Par ailleurs, dans le monde professionnel où la société valorise souvent la jeunesse active et dynamique, les femmes ménopausées peuvent subir de la discrimination liée à l'âge ainsi que la perception que leur potentiel au travail diminue.
De surcroît, les entreprises et organisations, par manque d'informations et de volonté, ont parfois du mal à s’adapter aux besoins spécifiques des femmes ménopausées (comme des pauses pour gérer les bouffées de chaleur ou des horaires flexibles pour améliorer la qualité du sommeil), ce qui peut les exclure des discussions sur les politiques de bien-être au travail.
Cette perte de repères et de légitimité créent un mélange de frustration, de colère, de sentiment d'inutilité qui s'ajoutent à l'instabilité émotionnelle existante.
D'autre part, les injonctions sociales jouent un rôle non négligeable sur la stabilité émotionnelle des femmes ménopausées.

Dans une société où les femmes sont constamment poussées à être multitâches, performantes et impeccables, la ménopause vient ajouter une couche de complexité émotionnelle. En plus des défis physiques liés aux changements hormonaux, les attentes sociales créent une pression supplémentaire. On attend d’elles qu’elles soient efficaces au travail, qu’elles assurent à la maison, qu’elles restent rayonnantes, disponibles et souriantes. Elles doivent, en quelque sorte, continuer à incarner l'image de la "femme parfaite" – dynamique, toujours en mouvement, et sans failles.
Mais cette exigence de perfection se heurte à une réalité bien différente.
Pendant la ménopause, tous les facteurs cités ci-dessus peuvent entraîner une irritabilité accrue, un sentiment d’épuisement et une hypersensibilité émotionnelle. Cela crée un contraste frappant entre ce que la société attend d’elles – une performance constante, sans relâche – et ce qu’elles ressentent réellement dans leur corps et leur esprit.
Ce décalage entre les attentes sociales et l’expérience personnelle peut renforcer la culpabilité, la solitude, et les fluctuations émotionnelles.
Lorsque les femmes ménopausées ne parviennent pas à répondre à ces attentes (soi-disant "normales"), la culpabilité s’installe. Elles peuvent se sentir "défaillantes" ou "incompétentes", même si ce qu'elles vivent est tout à fait naturel et biologique. Ce sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes sociales peut également entraîner un isolement. La peur d’être jugée ou incomprise par leur entourage ou par la société les pousse souvent à dissimuler leurs souffrances, augmentant le sentiment de solitude.
De plus, l’absence de soutien visible, tant au niveau personnel que professionnel, peut rendre encore plus difficile la gestion de l’instabilité émotionnelle.
Ce mélange de pression sociale, de culpabilité et de solitude peut nourrir les fluctuations émotionnelles. Lorsque le système hormonal est déjà perturbé, ces pressions externes agissent comme un facteur amplificateur, rendant la gestion des émotions encore plus complexe. Ce n’est pas simplement une question de bien-être physique mais de la manière dont la société regarde et juge les femmes à ce stade de leur vie.
Accueillir, comprendre, se réinventer
L’instabilité émotionnelle pendant la périménopause n’est pas un signe de faiblesse, ni un bug de ton système intérieur. C’est un appel à ralentir, à écouter, à transformer. Ton corps change, oui. Ton monde intérieur aussi. Et dans ce tumulte apparent, se cache une formidable opportunité : celle de te reconnecter à toi-même avec une profondeur nouvelle.
Comprendre ce qui se passe en toi – sur le plan hormonal, psychologique et contextuel – c’est déjà reprendre du pouvoir. Et ce pouvoir-là, il ne ressemble pas à celui qu’on t’a appris à convoiter. C’est un pouvoir intime, doux, enraciné. Celui de la femme qui ne subit plus, mais qui choisit. Qui ne lutte plus contre elle-même, mais qui s’accompagne avec bienveillance.
Alors, si tes émotions débordent parfois, rappelle-toi ceci : tu es en train de traverser un passage initiatique, une mue. Tu n’es pas instable. Tu es vivante. Et tu es en chemin vers une version de toi plus authentique, plus libre et profondément alignée.
Delphine Soquette - 11/04/2025